Je surfais tranquillement sur Internet quand, tout à coup, une question incroyable a clignoté sur mon écran : « Votre visage sur une danette ? ».

Stupeur. Mon visage sur une danette ? Je suis resté muet ; je n’ai pas compris. J’ai pensé à un jeu de mots. Mais non, il s’agissait visiblement bien d’un pot de la marque danette avec un visage de fille dessus, il n’y avait aucun doute.

J’ai frémi. Je me suis demandé quel crime cette pauvre fille avait bien pu commettre pour être jetée de la sorte en pature à la vindicte populaire. J'ai songé avec effroi à ces criminels dont le visage s’affiche en gros dans les émissions télévisées américaines de chasse à l’homme. Un second message est apparu. Il disait simplement, « c’est possible. »

Un peu paniqué, j’ai pensé : « Té, peuchère ! je le vois bien que c’est possible, con, puisqu’il y a déjà une pauvrette qui a son visage sur une danette, té ! sauf que moi, j’ai rien fait, hé ! (quand j’ai peur, je pense en marseillais). Pour mériter de se retrouver avec son visage sur une danette, il faut avoir fait un truc grave, il faut être au moins, je ne sais pas moi, pédonazi.

J'ai soupiré. La fille s’appelait Julie. Elle était jeune, jolie et elle souriait. Je n’aurais jamais imaginé qu’elle puisse être une dangereuse criminelle. Julie, pédonazie ? C’était à s’y méprendre. On ne peut vraiment plus faire confiance à personne de nos jours.

Et soudain : « tentez votre chance en cliquant ici ! » puis : « et retrouvez-vous peut-être en magasin à la rentrée. »

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Horreur ! Ce n’était pas une punition, c’était un jeu ! En plus, il ne s'agissait pas de se retrouver sur un seul pot - ce qui est déjà terrifiant - mais sur des centaines de milliers de danettes dans tous les magasins à la rentrée !

Il existe donc des volontaires gratuits pour mettre leur tête innocente sur des pots de danette et retrouver leur photo au rayon yaourt des supermarchés !

J’imagine la scène : c’est la rentrée et, admettons, je décide de manger une danette choco noisette. Je vois alors la photo de Julie, toute jouasse, qui me sourit sur le pot et ça me fait tellement halluciner comme situation que, soudain, je n’arrive plus à manger dans ma bouche.

La danette commence alors à couler sur mon menton tandis que j’essaie d’imaginer ce qui a bien pu pousser Julie à afficher sa tronche sur un pot de crème dessert. Je continue à manger n'importe comment et la danette coule bientôt sur ma chemise. J'en ai partout. Je me dis que Julie a dû avoir une enfance difficile, qu’elle a peut-être même subi des sévices et je commence à pleurer tandis que ma danette, mêlée de larmes, continue sa course lentement mais sûrement vers le sol de la cuisine, via le reste de mes habits.

Et alors là, flash ! Je comprends l’idée de génie. C’est de l’art ultime. Une quintescente évocation du monde moderne. Je me redresse et j'entre en transe avec de grands gestes. Andy Warhol et son concept des quinze minutes de célébrité par personne sont littéralement enfoncés ! Je trépigne d'exaltation, seul dans ma cuisine à la rentrée, tandis que ma danette choco noisette, telle une oeuvre de Pollock, gicle sur les murs :

Moi aussi, soudain, j'ai compris et, mû par une irrépressible impulsion, je VEUX avoir ma gueule sur un pot de danette à la rentrée, sur des centaines de milliers de pots de danette, sur des milliards de pots, même, je le veux de toutes mes forces, de toute mon âme.

Ce serait le sommet de ma carrière, le truc le plus fou, le plus fort et le plus pertinent que j’aie fait de toute mon existence (à la rentrée).

Du coup, j'ai cliqué, hein.