Calmar

L’autre jour, je me promenais dans la rue (en fait, je revenais du Leader Price mais « je me promenais », c’est plus littéraire) et bref, je tombe sur une affiche publicitaire. Ou plutôt l’inverse, c'est elle qui me tombe dessus : en gros plan, une jeune femme me regardait droit dans les yeux d’un air farouche et langoureux à la fois, comme une sorte de... disons... de stripteaseuse - mais catholique.

Elle était vêtue d’une simple veste, largement ouverte sur sa poitrine nue. On voyait nettement la naissance de ses seins - qu’elle semblait avoir fort jolis – car elle avait oublié de mettre son soutien-gorge au moment de prendre la photo. Le photographe ne lui ayant pas fait remarquer, elle était donc largement à oilpé, ce qui est une grande qualité humaine pour une femme selon moi.

J’ai d’abord pensé à une pub pour une fondation contre la maladie d’Alzheimer, eu égard au soutien-gorge oublié mais non, ça ne collait pas. Et puis, il y avait un autre truc bizarre, à moitié coupé par le bord supérieur de la photo : la fille avait une sorte de calamar sur la tête. (Après examen, le céphalopode s’avéra être en fait une coupe de cheveux moderne et monumentale – plutôt onéreuse, à mon avis.)

Toujours intrigué par cette étrange absence de sous vêtements, j’ai songé qu’elle avait peut-être été obligée de les vendre pour se payer sa coupe « fruits de mer », coupe qui, au demeurant, ne donnait pas franchement envie de lui faire des papouilles à la tête pour déconner, vu la complexité du bordel. Mais bon, c’est quand même ses seins, en plein centre de l’affiche, qu’on voyait en premier.

C'était une publicité pour une chaîne de salons de coiffure au nom de son fondateur, petit artisan prospère devenu merlan industriel. Tiens ? ils mettent des nichons pour vendre des coupes de cheveux, maintenant ?

Personnellement, moi, pour vendre des coupes de cheveux, j’aurais plutôt tendance à mettre… des coupes de cheveux. Je les mettrais même en plein centre de mes affiches – quitte à mettre deux ou trois nichons dans les coins, si vous y tenez vraiment, bien que je ne voie pas trop le rapport entre se faire coiffer et se faire regarder les seins.

Mais bon, avec le marketing moderne, hein...

Et puis non, me suis-je dit, ce n'est pas possible, c’est vraiment trop bizarre : si on voit aussi bien les seins de la fille, c’est tout simplement parce que ça doit être une vraie pub de nichons : notre ami coiffeur a décidé d'élargir ses activités et il est tout simplement devenu, coiffeur-nichonneur (il y a bien des coiffeur-visagistes !). C'est ça : il a dû transformer ses salons et l'on peut désormais s'y faire coiffer les cheveux ET les seins.

Subjugué par une telle éventualité, j’ai serré mon sac Leader Price fort contre moi et je me suis remis en route en me demandant quel type de peigne on pouvait bien utiliser pour ça. Puis je suis rentré chez à la maison doucement, en imaginant le garçon coiffeur d’un tel établissement, soupesant les deux seins de sa cliente d’un œil professionnel et posant la question rituelle : « vous les avez lavés il y a combien de temps ? ».