Et ben moi, les filles et les gars, j'ai une putain de belle identité nationale. Et ce qui est encore plus fort, c’est que je l’ai depuis toujours mais que je n'avais jamais remarqué avant. Du jour où je l'ai su, je suis allé regarder ma tête dans la salle de bain et là, oui, indubitablement, j’avais changé : d’un seul coup, j’avais l’air beaucoup plus Français qu’avant. J’ai entendu la Marseillaise résonner dans le siphon du lavabo.

Quand je pense que j’aurais pu continuer comme ça pendant des années, à ignorer mon identité nationale… ou pire : j’aurais pu l’apprendre à la toute fin de ma vie, voire sur mon lit de mort. J’imagine bien la scène : je suis pâle mais je m’endors heureux, satisfait d’une vie honnêtement accomplie et heureux de savoir qu’on va bientôt me fiche la paix pour l’éternité gratuitement et là, un petit salopard de ma propre famille, vexé sans doute que je ne lui laisse pas le moindre kopek, me glisse à l’oreille : Pépé, je dois te dire un terrible secret : tu savais que, pendant toute ta vie, tu avais eu une identité nationale à ta disposition ? Vertige ! mon dernier soupir gâché par un immense regret. Je suis désespéré, d’un coup, je ne veux plus mourir, je m’accroche à la vie, je me débats, je bave et me demande : quoi ? Pourquoi personne ne m’a jamais rien dit ? Et je meurs dans un affreux rictus en pensant à toutes les choses merveilleuses que j’aurais pu faire avec mon identité nationale – si j’avais su.

Je remercie donc messieurs Besson et Sarkozy de m’avoir éclairé tant qu’il en était encore temps. Je mourrai moins con. Depuis ce matin, je suis donc un FIF, un Français d’identité française. J’appartiens à l’élite : je suis non seulement Français mais en plus, moi, j’ai une identité nationale. Je ne suis pas comme tous ces mauvais Français qui pensent qu’on peut se contenter d’avoir la nationalité française et pas le reste.

Ça me rappelle une époque, je ne sais plus laquelle, où il y avait les bons Français dont je fais partie, excusez du peu, et les autres qui étaient des étrangers français, sortes de traîtres et avec lesquels il a fallu un peu mettre les choses au point grâce à l’aide de nos amis allemands. Malheureusement, on dirait que ça n’a servi de leçon à personne.

Ça n'a donc servi de leçon à personne.